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Blanche-Rose et les sept Docs

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Blanche-Rose et les sept Docs

Il était une fois un jeune couple qui avait tout pour être heureux. La femme travaillait comme vendeuse dans un grand magasin et l’homme se débrouillait en faisant des bricoles par-ci par-là.

« Un jour, ça marchera et je serai connu. Fais-moi confiance ! » disait-il à sa femme, laquelle se contentait d’une moue dubitative.

La seule chose qui leur manquait était un enfant. Un jour qu’elle s’asseyait à sa fenêtre à feuilleter le catalogue de La Redoute, la femme vit, dans les pages consacrées aux sous-vêtements, un petit ensemble tout rose et blanc avec des petits nœuds jaunes, vraiment très joli.

« Si j’ai une fille, dit-elle, je veux qu’elle soit aussi blanche que le tissu de ce soutien-gorge, avec les joues aussi roses que la dentelle qui souligne les bonnets et les cheveux aussi dorés que les petits nœuds jaunes. »


À quelque temps de là, elle se trouva enceinte et accoucha d’une charmante petite fille à la peau blanche, aux joues roses et aux cheveux dorés. On l’appela Blanche-Rose.

Mais elle s’aperçut bien vite qu’élever un enfant, ce n’était pas du gâteau et que les combines de son mari commençaient à la fatiguer. Bref, elle se fit la malle avec le boucher et disparut de la vie de son mari et de sa fille.

Une voisine compatissante proposa au malheureux délaissé de s’occuper de son ménage. Elle s’appelait La Rani. En réalité, son but était de trouver des sujets pour ses expériences et elle utilisa le pauvre homme qui ne se rendait compte de rien, trop content de pouvoir poursuivre son commerce sans avoir à se préoccuper de sa fillette.

Cependant, dès que l’enfant commença à grandir, elle se dit qu’elle ferait un bien meilleur sujet que son père, lequel commençait à être usé à force de passer par tous les états de transformation qu’elle lui faisait subir.

Mais Blanche-Rose était maligne. Voir son père devenir un jour tout bleu à pois violets, se transformer le lendemain en truie et le jour suivant en fauteuil Louis XV, avait fini par éveiller ses soupçons. Elle se cacha dans le placard de la buanderie et entendit La Rani, qui avait tendance à marmonner toute seule, énoncer ses intentions.

Aussi, le lendemain au lieu de partir vers l’école, elle prit le bus vers l’extérieur de la ville et se retrouva seule, perdue dans la campagne anglaise – qui vaut bien une profonde forêt pour ce qui est d’être un lieu effrayant rempli d’animaux féroces, comme les poulets qui traversent les routes ou les Yorkshires jappant aux barrières.

Après avoir marché une bonne heure, elle se trouva face à une petite maison, charmante, mais qui semblait avoir bien besoin d’un coup de plumeau. Elle entra et la visita.

Il semblait qu’elle abritait sept personnes, car elle vit sept chaises autour de la table, sept assiettes dans le placard, ainsi que sept verres, sept fourchettes, sept couteaux et sept cuillères. Il y avait également sept lits dans la chambre à l’étage, avec sept armoires, sept brosses à dents dans la salle de bain et sept paires de pantoufles – aux formes et couleurs très diverses – dans l’entrée.

Tout était en désordre : on trouvait une très longue écharpe de toutes les couleurs enroulée à la rampe de l’escalier, une canne en bois spiralé plantée dans un pot de fleurs pour servir de tuteur, une flûte à bec au milieu des ustensiles de cuisine, un brin de céleri dans le verre à dents, une chemise à froufrous abandonnée sur un fauteuil, une broche en forme de chat dans la soupière et un parapluie, dont le manche formait un gros point d’interrogation, suspendu au lustre.

Retroussant ses manches, elle se mit au travail en chantant « le travail, c’est la santé ! » À la fin de la journée, toute la maison étincelait d’ordre et de propreté. La jeune fille, fatiguée, monta dans la chambre se reposer un peu sur un des lits. Avant qu’elle ait eu le temps de poser la tête sur l’oreiller, elle s’était endormie.

Le soir venu, on entendit un curieux bruit au rez-de-chaussée. Comme une sorte de Wvorp ! Wvorp ! Wvorp ! Une grande boîte de couleur bleue avec une lumière tournoyante sur le toit et une inscription Police Box sur chaque côté, fit son apparition dans le salon de la maisonnette. La porte s’ouvrit en grinçant et sept hommes en sortirent. Ils restèrent bouche bée devant la transformation de leur intérieur.

« Qui a enlevé ma canne du pot de fleurs ? » s’écria l’un d’eux. Aussitôt chacun des autres se récria à son tour :

« Qui a rangé ma flûte à bec dans le tiroir ?

– Qui a mis ma chemise dans l’armoire ?

– Qui a plié mon écharpe et l’a posé sur l’étagère de l’entrée ?

– Qui a fait cuire mon brin de cèleri dans la soupe ? D’ailleurs, ça sent très bon cette soupe !

– Qui a accroché ma broche sur un de mes manteaux ?

– Qui a posé mon parapluie dans le porte-parapluie ? »

Un fort ronflement venant de la chambre leur répondit – oui, Blanche-Rose avait un léger problème de végétations. Ils s’y précipitèrent et virent, sur un des lits, une très jeune fille, toute blanche de peau, rose de joues et dorée de cheveux, qui dormait.

« Ooooohhhh ! » soupirèrent-ils tous ensemble, le regard attendri par tant d’innocence.
À ce bruit, Blanche-Rose s’éveilla et demanda :

« Qui êtes-vous ?

– Le Docteur, répondirent-ils en chœur.

– Mais lequel est le Docteur ?

– Nous sommes tous le Docteur, reprirent-ils, toujours d’une seule voix.

– Hum, ça va poser un problème, il va falloir que je vous trouve un nom à chacun. »


Dès lors, Blanche-Rose habita avec le Docteur, le Docteur, le Docteur, le Docteur, le Docteur, le Docteur et le Docteur. Elle entretenait leur maison, faisait la cuisine et même leur chantait des chansons pour qu’ils s’endorment le soir, tandis qu’ils partaient toute la journée sauver l’Univers, la laissant seule. Elle leur avait raconté son aventure et ils lui avaient recommandé de n’ouvrir à personne.

En les connaissant un peu mieux, elle leur donna des surnoms adaptés à leur personnalité.

L’un d’entre eux, le plus âgé, avait mauvais caractère tout autant qu’il avait bon cœur. Elle l’appela Grincheux.

Un autre était facilement effrayé ou du moins, il le faisait croire. Elle lui donna comme nom Timide.

Le plus grand en taille et le plus élégant aimait étaler sa science. « Prof, s’écria-t-elle, voila qui lui va bien ! »

Le quatrième avait souvent un sourire niais qui cachait une grande subtilité. Simplet fut-il nommé.

Le plus jeune d’apparence était peu bavard et avait parfois l’air un peu rêveur. Elle trouva que Dormeur était parfait pour lui.

Celui qui avait des joues rondes comme un poupon et des cheveux frisés de chérubin éructait ses phrases, ce qui ressemblait à un éternuement. « Atchoum ! » lui dit-elle un jour pour se moquer de lui. Cela resta.

Enfin, le dernier était toujours de bonne humeur, ce qui lui valut le surnom de Joyeux.


Cependant, La Rani n’avait pas renoncé à faire ses expériences sur Blanche-Rose. Lorsque la jeune fille était partie de la maison, elle venait de mettre au point une variété de pommes qui pouvait transformer une belle-fille en Stéphanie de Monaco : et Blanche-Rose était sa belle-fille. Il ne lui fut pas difficile de la retrouver. Son sac pour l’école étant troué, ses affaires étaient tombées tout le long du chemin et formaient une trace de gommes, crayons et cahiers, tous étiquetés « Blanche-rose » qui la conduisirent à la petite maison des Docteurs.

Elle déguisa son apparence en mettant deux petits pois dans ses narines. Cela transforma sa voix et rendit son visage méconnaissable.

Elle toqua à la porte en lançant son cri :

« Belles pommes ! Belles pommes de mon jardin ! Bien rouges, bien juteuses et … un peu magiques. »

– Qu’ont-elles de magique vos pommes ? » demanda Blanche-Rose, dévorée de curiosité.

Elle parlait à la vieille femme par la fenêtre, parce que le Docteur – ainsi que le Docteur, le Docteur, le Docteur, bref, vous avez compris – lui avait interdit d’ouvrir la porte, mais n‘avait pas mentionné de ne parler à personne par la fenêtre.

« Elles permettent de savoir instantanément de qui on est amoureux », lui répondit la sorcière – oui, enfin, ce n’est pas une sorcière, mais il faut bien avouer qu’elle en a tous les attributs – qui savait bien ce à quoi rêvent les jeunes filles.

Blanche-Rose était très intéressée par cette magie, parce qu’elle s’était aperçue qu’elle était amoureuse du Docteur, seulement voilà : lequel ?

La vilaine Rani ne voulut accepter aucun paiement pour sa pomme, lui disant que c’était gratuit ce jour-là pour toutes celles dont le prénom était Blanche-Rose.

« Quelle chance, s’écria sa belle-fille, justement je m’appelle comme ça ! » Blanche-Rose se montrait parfois un peu naïve – euphémisme pour « stupide », diront certains, mais nous les laisserons distiller leur fiel, en haussant des épaules dédaigneuses.

À peine eut-elle croqué dans le fruit, qu’elle s’écroula sur le sol. La Rani se pencha par-dessus la fenêtre, intéressée par la transformation, mais rien ne se produisit. La jeune fille était devenue encore plus blanche. Elle donnait toutes les apparences de la mort.

« Ah, zut, s’écria la vieille femme, je me suis trompée de flacon. Bon, tant pis, il va falloir que je cherche une autre belle-fille. »

Et elle s’éloigna, décidée à trouver une autre famille à détruire.

Lorsqu’il revint de sauver l’Univers, le Docteur – et le Docteur, le Docteur, enfin, vous connaissez la chanson – trouva Blanche-Rose sans vie. Tous ceux qui avaient un tournevis sonique essayèrent de s’en servir pour la ramener à la vie. Les autres tentèrent un don de régénération. Mais le poison était trop fort et la jeune fille resta bel et bien morte.
Elle était si belle qu’ils n’eurent pas le cœur de l’enterrer et l’exposèrent dans un cercueil de verre sur une colline près de leur maison. Ils allaient la voir tous les soirs.

Grincheux grommelait qu’on l’avait bien avertie, mais qu’elle n’avait rien voulu écouter et il essuyait une larme discrète.

Timide affirmait que, s’il avait été là, il lui aurait dit : « quand je dis "cours", tu cours comme un lapin » et ils auraient échappé ensemble au danger.

Prof expliquait la raison scientifique de la mort de la jeune fille.

Simplet souriait bêtement et pleurait en même temps.

Dormeur se couchait dans une sorte de boîte qu’il avait fabriquée et qu’il appelait la Chambre Zéro, comme Zéro chagrin, mais ça n’avait pas l’air de très bien fonctionner.

Atchoum éructait des malédictions contre le coupable.

Et Joyeux ne l’était plus.


Or, un soir, alors qu’ils entouraient le cercueil comme tous les soirs, un cavalier surgit hors de laaa nuiit, courant vers l’aventuure au gaaloooop – oups, je m’emporte. Il s’arrêta et contempla la belle femme qui gisait sous le verre. Il était grand et mince, avec une coiffure moderne, un peu hérissée. Vêtu d’un long manteau en daim beige et d’un costume marron à fines rayures bleues, il portait une chemise bleu clair et une cravate ornée de spirales bleues sur fond pourpre.

Il s’enquit de l’histoire de cette jeune fille et en tomba immédiatement amoureux. Il supplia les sept Docteurs de la lui confier, affirmant qu’il trouverait sûrement un moyen de lui redonner vie. Après une brève discussion, les sept hommes décidèrent de faire confiance à l’inconnu. Avant d’emporter le cercueil, il le fit ouvrir et embrassa les lèvres glacées et immobiles.

C’est alors que le miracle se produisit. Blanche-Rose ouvrit les yeux et balbutia :

« Docteur ?

– Oui, firent huit voix, simultanément.

– Docteur ? s’écrièrent aussitôt sept des huit voix.

– Heu oui, dit le cavalier inconnu, un peu gêné. C’est un peu compliqué, mais oui, je suis aussi le Docteur. Wibbly wobbly, timey wimey, enfin, vous connaissez. »

Les sept Docteurs comprirent alors la raison pour laquelle ils avaient eu immédiatement confiance en cet homme. L’œil attendri, ils regardèrent la jeune Blanche-Rose monter en croupe derrière le Docteur et s’éloigner avec lui dans le soleil couchant.

Au bout de quelques pas, l’homme en costume marron fit volter son cheval, se tourna vers eux et enleva le masque qu’il portait.

« Hé bien, Docteurs, ricana-t-il dans sa barbe – et ceci n’est pas une image, il portait réellement une barbe –, mon plan a fonctionné de façon parfaite, comme d’habitude. Il ne vous reste plus qu’à la retrouver, maintenant, et à tomber dans mon piège. »

Il partit d’un grand éclat de rire, tandis que, dans un Wvorp ! Wvorp ! caractéristique, le cheval disparaissait, emportant Blanche-Rose et le Maître.


FIN



Que s’est-il passé après le conte ?

Il y eut un silence de quelques secondes, pendant que les mâchoires des sept Docteurs remontaient lentement dans leur position naturelle.

Celui que la jeune fille avait surnommé Prof prit alors la parole, résumant ce qu’ils pensaient tous les sept.


« Ce n’est pas censé bien se finir les contes ? "Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants" tout ça … J’ai l’impression d’avoir été dupé dans cette histoire. Pas tellement par le Maître, mais par l’auteur.

– Enfin, ça n’a rien d’étonnant, grogna Grincheux, l’auteur et le Maître sont copains comme cochons. Ils se sont entendus dans notre dos.

– Allons-y, une fois de plus, soupira Dormeur. »


Ils redescendirent vers le TARDIS en échangeant des remarques acides, chacun rejetant la responsabilité de leur échec sur les autres.
The fairytale Snow-White become White-Rose and the Seven Docs
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